Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Something about Marie
Something about Marie
Publicité
Archives
14 février 2005

Long Reach

On entend les trilles du merle, qui annonce une de ces chaudes journées de la fin de l'été, et de vagues rumeurs de la Saint John River. Maman fredonne dans la cuisine et un lointain voisin passe la tondeuse. Les sons se font cotonneux, comme filtrés par l’air de plus en plus chaud.

Je suis assise sur la balancelle de la véranda, au-dessus des massifs de dahlias et des buissons touffus de pois de senteur. Bois blanc et volets verts ; roses trémières et rideaux de lin aux bow-windows : il se dégage de l’endroit un charme désuet. Par instants, un gros bourdon me frôle et disparaît dans un groseiller voisin.

L'orage de la veille a chargé l'air de parfums chauds et apaisants. Je connais cet endroit par coeur. Chaque recoin possède sa propre odeur : la grange sent le cheval et le tracteur de papa. Le petit bois qui borde la route sent la mousse humide et les champignons. Le chemin qui mène au magasin de campagne et que nous dévalons à vélo tous les matins sent la poussière. La bande sableuse qui borde la rivière et que nous appelons pompeusement "la plage" sent les algues et un peu le mazout. Le salon sent le feu de bois et la guimauve grillée. Ma chambre sent tout ça en même temps, parce maman a fait sécher mes draps au jardin.

Le soleil, déjà haut, chauffe mes jambes nues et le fer forgé de la balustrade, sur laquelle j'ai posé mes pieds. La brise légère fait bruisser les cerisiers sauvages et voleter ma jupe sur mes cuisses. Dans quelques minutes, j'attraperai ma serviette, qui pend au fil du jardin et je descendrai la colline en courant jusqu'à la plage. Là, je laisserai mes vêtements parmi les iris sauvages et j'entrerai en frissonnant dans l'eau, delicieusement glacée. Je sais déjà la sensation que j'aurai de mes cheveux mouillés, pendant sur mes reins. Puis je monterai à la cabane, tout en haut de mon arbre et j'y goûterai de framboises, de mûres et de chocolat, volé à la cuisine.

Mais pour l'instant, je ne bouge pas d'un poil, écrasée de bien-être et de l'idée, vive malgré mes dix ans, que ce bonheur ne durera pas.

15 jours plus tard, mes parents m'annonçaient leur divorce et le voyage en France. J'y suis depuis.

Mais encore maintenant, si je ferme les yeux très fort, je me retrouve aux temps bénis de la maison de Long Reach, dans la baie de Fundy, et des siestes estivales à l’ombre du saule du jardin.

Des bises

Marie

Publicité
Publicité
Commentaires
D
C'est très joli
C
C'est tiré de quel livre ?<br /> Je plaisante, c'est magnifique. J'ai l'impression d'y être, d'être un invité pour quelques secondes de bonheur.
Publicité