Y'a de la rumba dans l'air !
Du lever au coucher, cette journée aura été placée sous le signe de la castagne et des deux pieds dans la zut. Bon, je ne vais pas vous refaire le coup du réveil catastrophe à 8h15 pour partir à 8h20, c'est un classique chez nous. De même, je vous épargnerai les efforts surhumains qu'il m'a fallu déployer pour ne pas choper l'emplâtre qui me sert de fils par le revers du pyjama et lui décoller la pulpe du fond du caleçon pour qu'il s'enfile vite fait son cacao sans le répendre sur la table et qu'il bouge ses petites fesses plus vite qu'un limaçon sous bromazépam et qu'il saute dans ses fringues. Non, non, vous m'accuseriez de vous raconter sans cesse la même histoire.
C'est pour la même raison que je vous passerai les douze aller-retours et demi dans les escaliers parce que j'avais oublié mon portable dans un premier temps, mes clés de voiture dans un second, mon badge ensuite et tout à la fin mon portable, que j'étais sûre d'avoir laissé sur la table basse en tentant de récupérer le sac d'école de Monstrux sous le canapé, pour me rendre compte à mi chemin que je l'avais dans la main.
Non, je vais commencer le résumé de cette fête du Grand Merdier par la première baston.
Je largue le Nathasamère au bagne pile au son de la cloche de rentrée, soulagée de ne pas avoir, pour une fois, à supplier Cerbère (l'instit' de garde à la grille) de nous déverrouiller sa porte des Enfers. Nath, que j'ai stressé depuis le réveil pour qu'il mette le turbo, m'embrasse dans le vide et file comme un gardon en omettant de dire bonjour dans les règles au geôlier en chef. La grosse garce, rapide comme l'éclair et outrée de ce manque de considération, le chope au vol par la capuche et je peux entendre le misérable glouirg émit par mon fiston, dont la course et la respiration sont stoppées tout net. Bon, autant vous le dire tout de suite, je ne lui ai pas pété la tête, mais c'est uniquement parce que c'est contre ma religion. En revanche, je n'ai pas tendu la joue gauche de mon fils. J'ai saisi la grosse par sa jupe plissée et je l'ai traînée chez le Directeur où j'ai mis une souk, mes amis, on serait cru à la criée du Vieux Port.
Quand j'ai eu fini de dézinguer la vermine de l'Education Nationale, j'ai tenté d'assassiner les milliers d'automobilistes qui se massaient sur mon chemin. Je me souviens d'une en particulier, à qui j'ai appris un peu rudement le bon usage du clignotant en agglomération. Elle pensera sans doute à moi à chaque intersection, désormais.
En arrivant au bureau, j'avais tellement grogné, beuglé, juré, insulté et couiné, que quand j'ai dit bonjour aux collègues ma voix avait des relents de fourchette sur l'arcopal.
A la machine à café et alors que mon taux d'adrénaline le disputait à ma tension artérielle, j'ai dû m'enfoncer profondément les ongles dans la paume de la main pour ne pas éclater la vitre du distributeur Selecta avec la tête de Sandrine. Je me suis dit finalement que le pauvre distributeur ne méritait pas un tel traitement et qu'après, il faudrait bouffer tout le chocolat qu'il contenait et que ça, mon régime ne le supporterait pas.
Dans la matinée, j'ai allumé un petit con de manager du Marketing, qui insultait sa secrétaire au beau milieu de l'open space. Soit, la pauvre fille n'est pas réputée pour la fulgurance de son jugement, mais la traiter d'abrutie de blonde de merde devant tout le monde justifiait à mes yeux qu'il essuie la beuglante du siècle. Et tout l'étage en a profité.
Au déjeuner, la caissière de la cantine a refusé de me compter le menu à 2€ parce que j'avais remplacé le yaourt aux fraises par un yaourt nature. J'ai bien essayé de lui faire entendre raison, d'abord avec une pointe d'humour, puis en me fâchant, en vain. Le temps de parlementer, la queue derrière moi atteignait les 20 mètres. Je suis donc allée chercher un yaourt au fraises, l'ai décapsulé et écrasé sur son comptoir. Je n'ai pas mangé de dessert, mais pinaise, c'était bon !!
Au staff meeting, alors qu'en général je laisse mon équipe somnoler gentiment, il m'a pris l'envie de les secouer tous par les pieds pour en faire sortir les idées. J'ai sifflé dans mes doigts comme un charretier pour réveiller ce gros tas de larves ; Kim en est tombée de sa chaise. Depuis, elle m'évite comme si j'étais entourée d'un champs de force.
Le père du Nathasamère a constitué ma dernière et meilleure victime. J'avais laissé passer quelques sujets de frittage ces derniers jours, mais je me suis bien rattrappée ce soir, après un énième provocation (il faut bien l'avouer, un truc mineur dont je ne me souviens même plus). D'habitude combatif, il n'a pas moufté devant le déferlement de ma rogne. Quand j'ai eu fini, j'avais l'impression d'avoir vengé des années d'ingestion de couleuvres.
Et puis voilà, ce soir, Nath s'est allongé sur le canapé, la tête sur mes genoux et j'ai laissé gentiment retomber la vague de bile qui m'avait submergée ce matin. On a lu un Pomme d'Api, fait des jeux de mots foireux et ricané comme des nouilles.
Maintenant j'ai du mal à comprendre quel démon m'a agitée toute la journée...
Allez, sans rancune et des bises
Marie