La colère
Elle monte subitement. Elle me vient de quelque part entre le bas-ventre et la poitrine ; elle se diffuse en un eclair dans ma gorge, mes épaules, mon visage. Elle me contracte les machoires, opacifie ma vision. Mon coeur a un hoquet, se met à battre dans mes tempes. J'ai du mal à reprendre mon souffle.
Pendant quelques secondes, j'hésite entre les larmes et les cris ; je finis systématiquement par choisir le silence. Je deviens toute rouge, puis toute blanche. Je sers les dents et barre ma bouche d'un pli amer.
Ma colère cède très difficilement et il me faut déployer des efforts surhumains pour la faire redescendre. Souvent, quand elle m'a toute entière submergée, je suis tentée de l'entretenir parce que ce qui est réellement insupportable, dans la colère, c'est ce à quoi elle fait place en disparaissant. Le vide, l'absence de sentiment, l'épuisement moral, le poids dans la poitrine. Puis la culpabilité...
Ce matin, je suis terriblement en colère. Tellement, que je ne saurais pas écrire ce qui m'a mise dans cet état. Tellement, que j'ai peur de ma propre violence. Tellement, que tout le reste n'est que flou et brouhaha. Je ne vois plus que ma rage ; je n'entends plus que ma fureur ; je ne sens plus que mon courroux. Je ne suis plus qu'un boule d'irritation et il va falloir que je trouve le moyen de ne faire de mal qu'à moi.
J'ai mal, j'ai peur et j'ai mal.
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