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Something about Marie
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21 juillet 2005

Uncle Robert et Auntie Judith

Ça y est ; comme tous les ans à la même époque, il débarquent de Toronto et, comme tous les ans à la même époque, c'est moi qui m'y colle pour aller les chercher à Roissy et les déposer à leur hôtel. Ils descendent toujours au Royal Saint-Honoré, à quelques pas du Louvre où Tante Judith passe le plus clair de ses journées d'été.
Bien sur, leur avion a été retardé de plus de 3 heures. C'est rituel : j'arrive avec une demi-heure d'avance pour être sure qu'ils ne poireauteront pas (ils détestent poireauter) et leur avion est sytématiquement retardé. Mais le jour où j'anticiperai et où j'arriverai à la bourre, Uncle Rob, Auntie Jude, leur 5 insoulevables valises en shintz caca d'oie et une immense malle rouge vif m'attendront de pied ferme à la porte de débarquement.
Enfin, les voilà. Je me suis toujours demandé pourquoi, alors qu'ils sont indécemment riches, mon grand-oncle et ma grand-tante semblent se saper à l'Armée du Salut.
Tonton porte un improbable costume en Tergal qui bouloche ; dans les années soixante, il devait surement être kaki. La veste porte les reliefs du contenu de 3 plateaux repas gracieusement offerts par Air Canada ; Uncle Rob mange approximativement. Le pantalon lui donne l'air, lui qui est taillé comme Stan Laurel, d'avoir volé celui d'Oliver Hardy : il flotte autour de son immaculé mollet, laissant apparaître une cheville maigrichonne et éparsement poilue. Ses chaussettes sont faite d'une matière dont je te fiche mon billet qu'elle est hautement inflammable. Il a encore maigri depuis l'année dernière.
Ses lunettes (de la récup' aussi, hein, y'a pas de petites économies : monture en métal argenté et la barre noire en face des sourcils) sont posées très en haut d'un long nez busqué. Elles lui font de gros yeux globuleux et un regard de poisson mort. Deux énormes bouquets de poils sortent de chacune de ses oreilles, plantées à la perpendiculaire de ses grosses joues flasques. Il a la bouche molle et humide (deux petits filets blancs collent les commissures), les sourcils broussailleux et Méphistophéliques et le menton en galoche. Dieu me tripote, mais il s'est fait un fantastique comb-over ! Il l'a artistiquement plaqué de l'oreille gauche à l'oreille droite, formant un raie grasse et croûtée. Il serre contre sa poitrine sa légendaire mallette chirurgicale. Si tu es patient, je t'en parlerai plus loin.
Derrière lui, Auntie Judith est telle que je l'ai laissée l'année dernière. Même robe de polyester vert clair (elle la trainera tout l'été et ne la remplacera qu'en octobre pour une robe de laine vert foncé ; Tata est une monomaniaque du vert), même chignon riquiqui sur le sommet du crâne, mêmes sandales monacales, même pilosité faciale aussi rebelle qu'inconvenante (oui, Tata a du poil au menton et ça pique quand elle t'embrasse).
Nous empilons les 13,5 tonnes de valises sur un chariot à roulettes qui n'en demandait pas tant, puis dans ma voiture qui crie grâce et nous fonçons vers Paris.
Je connais si bien le rituel qui suivra notre arrivée à l'hôtel, que j'en frémis à l'avance. D'abord, il faudra de nouveau se fader les valises (et Tonton ne nous aidera pas à cause de son hernie discale). Puis, il faudra à toute vitesse monter le tout dans la chambre et procéder au
déballage du véhicule rouge cerise et de ses satellites sur le tapis. Mais cette année, j'ai droit à de l'innovation !
Fioles, tubes, bouteilles, thermomètres, poudres et pilules, se disputent la place avec les hardes multicolores sorties de chez le bon Abbé Pierre, les bouquins d'archéologie, les guides Michelin en prévision du prochain voyage culturel, et, à la place d'honneur, l'énorme balance numérique super-précise : il faut, m'explique Tata, qu'elle enregistre son poids au QUART d'once - condition essentielle et indispensable pour évaluer les progrès du régime prescrit par son Gourou chinois.
Oh ! C'est l'heure de la prise de température ! On sort le volumineux thermomètre buccal et un gros cahier à spirales. Peu importe ou l'on se trouve, dans le mall, au restaurant, à la poste. Selon les instructions du Gourou, la température est prise sans faute 4 fois par jour et le résultat est religieusement noté dans le cahier. Pas un bruit autorisé pendant l'opération, car le thermomètre émet un bip imperceptible au moment crucial où la température a atteint son maximum. Alors "Silence dans les rangs !". Le Gourou a declaré que Tantine avait une température basale insuffisante. Mais nous constatons que grâce au régime et aux potions prescrites, elle est en train de remonter courageusement de quelques dixièmes de degrés Fahrenheit, ce qui explique qu'elle se sente nettement mieux cette semaine. Sur le précieux registre, il y a aussi une colonne réservée aux "bowel movements". Exemple : "August 23rd. Bowel moved at 8:07am". Colonne suivante : " 22hours and 3mn after preceding bowel movement". Mais nous regrettons de devoir interrompre cette lecture édifiante, car il est l'heure de procéder à la 2e prise de température. Chut ! Prière d'attendre après le bip.
Pendant ce temps, On nous a servi le thé. Tonton
arrive au salon avec sa mallette médicale, la fameuse, et s'installe avec nous sur le canapé (pour regarder les dernières péripéties Londoniennes) tout en fouillant bruyamment dans ses maintes trousses bourrées d'instruments et de fioles dignes de la salle d'opération du Professeur Barnard. Il en sort un écheveau de soie dentaire qu'il dévide abondamment avec le geste large et noble de la Semeuse et en écartant bien les coudes, il passe le fil entre chaque molaire pour en faire sauter avec des "plocs" évocateurs les parcelles nauséabondes qui fusent de toute part et dans toutes les directions, telles les projectiles du malencontreux bus de Tavistock Place... D'ailleurs, sur l'écran de la télé, on ne sait plus les distinguer les uns des autres... Ne t'évanouis pas, ce n'est pas fini....si tu peux te retenir de vomir encore 5 secondes...
Cette cruciale opération terminée, l'oncle Robert sort de son sac noir l'instrument de métal muni d'une pointe de caoutchouc et qui est destiné à détacher la couche de "plaque dentaire" des gencives dans la plus stricte intimité. Malheureusement pour moi, toujours assise dans le canapé du salon, l'oncle Robert en a décidé autrement. Cette opération aussi efficace que délicate mérite, pour le moins, de faire l'objet de l'admiration générale - et mieux, d'une étude anthropologique : ainsi, nous avons droit au spectacle accompagné du grincement de chaque navette du caoutchouc sur la courbe du collet de chaque chicot, aller et retour, retour et aller, jusqu'à ce qu'enfin l'instrument chargé de son butin soit rejeté sans cérémonie et SANS NETTOYAGE au fond de la trousse noire. Puis on referme les trousses les unes après les autres avec grand fracas, comme les sas de la fusée lunaire et on replace la mallette bien en évidence sur la table basse avec la théiere, les tasses et les biscuits, en attendant la prochaine session. Mais non, ne t'impatiente pas : celle-ci aura lieu (sans merci) après la moindre ingestion de nourriture, fut-elle un scone ou un muffin.
Je te jure que je n'invente rien. Et j'aurai droit à ce spectacle 2 fois l'an, tous les ans, jusqu'à la fin des temps, parce qu'ils prennent tellement soin d'eux, Tonton et Tantine, qu'ils nous enterreront tous.

Des bises

Marie

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Commentaires
S
berk...
A
Tout d'abord, beurk.<br /> Et ensuite, le cousin Marcus ne t'as évidemment pas embrassée, il t'a fait un détartrage.<br /> <br /> Il a embrassé quelle soeur en premier ?<br /> ( yerk !)
A
Et c'était ma première galoche itou.
M
FoM : trop cher pour toi, j'ai déjà fait fortune en vendant à Josée Dayan.<br /> Ian : Faut pas, Dieu l'a puni en le mariant à Amy Prebble, 200 livres au compteur.<br /> Milousette : ça nous en fait donc 2 en comptant Martin...<br /> Ian : pervers polymorphe...
I
Oué, de l'ambiance !
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