Time flies
Ce matin, dans le miroir de l'entrée, j'ai aperçu une inconnue. A première vue, elle me ressemblait bien un peu ; les mêmes cheveux épaissement blond lui frisottaient autour de la figure, l'oeil maussade regardait bleu sous le sourcil sévère.
Mais en approfondissant l'examen, j'ai trouvé à cette jumelle tout un tas de dissemblances.
Sa taille était plus épaisse, c'est indéniable. Oh, rien dont il faille rougir ! Juste un léger tassement, qui fait paraître les hanches moins marquées, la silhouette moins ancrée.
Ses épaules avaient la même blancheur laiteuse que les miennes, mais on eut dit qu'elles avaient cédé quelques centimètres au poids des soucis. Ou des ans, il faut voir. Les cheveux, que j'avais vu blonds au premier abord, étaient semblables en tous points au sable qui bordait la plage de mon enfance ; ternes, rèches, brûlés par le froid et battus par le vent. Ses mains, aussi courtes que les miennes n'en avaient pas la finesse, ni les fossettes enfantines à la base de chaque doigt.
En m'approchant encore, j'ai noté que son visage aussi, différait sensiblement du mien. Si mes cernes ourlent harmonieusement mon regard hésitant de myope, les siennes étaient creusées et cerclaient de violet un regard désabusé. Si mes pommettes saillantes sont le triomphant héritage du passage des cosaques dans l'existence d'une quelconque aïlleule, les siennes taillaient sa figure à grands coups de serpe et faisaient s'enfoncer un peu plus ses petits yeux brillants. Les coins de sa bouche pointaient vers le bas, tordant son sourire en plis amers.
Alors j'ai détourné mon regard, parce que cette inconnue ne m'a pas plu. Il faudra que je pense à décrocher le miroir...
Des bises
Marie